L’autonomie des salaries, levier de progrès de l’entreprise-Tribune de Bruno Soubiès

Fini les lourdeurs hiérarchiques et le management top down…. L’heure est à l’« empowerment », la esponsabilisation.
Libéré, le collaborateur peut exprimer tout son potentiel de créativité.

Aujourd’hui, le collaborateur est confronté à deux contextes qui tendent à s’éloigner :
• l’évolution de la société, via les révolutions technologique et numérique, fait naitre de nouvelles attentes et perspectives de développement personnel,
• la situation, au sein de l’entreprise, est de plus en plus instable : permanence du changement, mode de fonctionnement et méthodes de travail où l’urgent devient la règle.

De fait, l’immense majorité des collaborateurs considère que les efforts fournis et les changements subis sont des contraintes qui pourraient être positivement contrebalancées si, en parallèle, l’entreprise leur ouvrait la porte vers de nouvelles occasions d’évoluer, de se remettre en question, en mode « gagnant-gagnant ». Selon eux, le cadre de travail reste trop souvent rigide et ne leur laisse pas assez de liberté d’explorer des idées quant à l’organisation du travail, idées qu’ils considèrent utiles pour l’ensemble de l’entreprise. De même les salariés ne souhaitent plus rester prisonniers du cadre rigide d’un parcours professionnel prédéterminé par des processus internes de mobilité et de revue de carrière orchestrés en mode « top/down » par les ressources humaines.

Ils appellent de leurs vœux l’instauration d’un nouveau contrat moral passé avec l’entreprise en vue d’atteindre et conserver un équilibre acceptable entre vies/aspirations professionnelle et personnelle en lieu et place du sacro-saint lien de subordination. Se cantonner à la seule relation de subordination traditionnelle équivaut, pour les entreprises, à se priver volontairement des ressorts de la richesse que le collaborateur est prêt à donner à sa structure. Certes, pour les entreprises, aller vers plus d’autonomie et d’indépendance des collaborateurs a un prix… Choisir de conserver une organisation pyramidale et un management directif, a aussi un prix…

« Il n’y a pas de mauvais employés mais des collaborateurs mal employés » …

Avaient-ils du talent au jour de leur prise de fonction où l’ont-ils perdu, démotivés, faute de perspective d’évolution ?

N’empêche, ces collaborateurs sont là et bien là, souvent au contact direct des clients et prospects. Les oublier, en faire de simples « variables d’ajustement » peut avoir de lourdes conséquences, en termes de coût social et économique pour les entreprises !

Où se situe l’autonomie ???

1/ Elle est, avant tout, dans le métier du collaborateur

Concernant la marge d’initiative dans leur charge de travail, les collaborateurs plébiscitent les entreprises dont l’organisation de travail favorise l’autonomie dans le choix des méthodes de travail.

L’étude de milliers de témoignages collaborateurs montre clairement l’importance que revêt le désir de maîtriser leur charge de travail avec une certaine flexibilité. On en revient, encore et toujours, à la notion centrale de recherche d’équilibre entre vies professionnelle et personnelle. En clair, plus on laisse d’autonomie aux collaborateurs pour imaginer collectivement de nouveaux modes d’organisation, plus cet équilibre est respecté et mieux ils accomplissent leurs tâches avec sérieux.

La gestion des congés, trop souvent conflictuelle car jugée discriminatoire, est l’exemple type du genre de décision imposée aux collaborateurs. Par extension, tous les processus RH mériteraient d’être pensés par et pour les collaborateurs …

Bémol : l’accès à l’autonomie peut être perçu, par certains collaborateurs, comme une prise de risque et une perte d’un certain confort qui les rassure et les protège.
Cette démarche, qui s’inscrit dans la durée et dans un climat de confiance réciproque, convient donc d’être suffisamment expliquée, accompagnée et incarnée par la direction. La responsabilisation est tout sauf une démarche à sens unique.

L’autonomie est le meilleur moyen de combler le décalage entre vies professionnelle et personnelle :
• plus l’entreprise mettra de la diversité dans les projets, missions et tâches demandés aux collaborateurs, plus l’atteinte de l’objectif fixé se fera naturellement, consensuellement.
• plus les collaborateurs auront le sentiment d’apprendre tous les jours, de pouvoir se former quotidiennement, plus ils pourront se découvrir des capacités à mettre en œuvre pour le bien collectif de l’entreprise.

2/Ensuite, l’autonomie se situe dans l’évolution de carrière du collaborateur

Quelle que soit la taille de l’entreprise et le niveau de responsabilité du collaborateur (ouvrier, employé, agent de maîtrise ou cadre opérationnel), le sentiment de pouvoir évoluer – ou non – au sein de celle-ci conditionne fortement le degré d’implication et d’engagement collaborateur. Cette perception est directement liée à un manque de connaissance de sa contribution par son entreprise, associée à un manque de reconnaissance au quotidien.
Ce sont les postes « à petit salaire » – le plus communément confrontés à cette absence de possibilité d’évolution – qui génèrent le plus de frustrations, donc de désengagement. Il s’agit également, souvent, de personnes au contact direct du client final…

On observe, sur l’évolution de carrière, un sentiment diffus mais bien réel de « fracture sociale » entre les collaborateurs diplômés (le plus souvent cadres) représentant, aux yeux de l’entreprise, des « potentiels qui méritent d’être suivis » et le reste du monde…

Le sujet des perspectives d’évolution est, de très loin, le plus commenté spontanément par les collaborateurs et démontre un enjeu central de motivation et de fidélisation. Les salariés expriment la volonté d’être reconnus comme des acteurs à part entière dans la construction personnalisée de leur propre carrière professionnelle et rejettent en bloc de dépendre d’un formatage préétabli.
Ils souhaitent, en fonction des moments forts (bons et moins bons) de leur vie personnelle et familiale, pouvoir accéder à des formes d’évolution ou de reconversion qui leur permettront d’acquérir de la polyvalence, du plaisir à œuvrer au développement d’une entreprise qui aura su les considérer.

Il devient vital, pour les entreprises, de prendre en compte la très forte attente de leurs collaborateurs de bénéficier de carrières évolutives non tracées à l’avance, une fois pour toutes, le jour de leur embauche initiale.
Permettre aux collaborateurs de participer activement à leurs propres souhaits d’évolution de carrière, de valoriser leur potentiel à changer de métier (même s’ils ne disposent pas des « bons » diplômes) est la base d’une politique RH ouverte qui ne peut que les encourager fortement, sincèrement, à donner le meilleur d’eux-mêmes.

La principale attente des collaborateurs se situe dans une volonté clairement exprimée de bénéficier d’échanges plus fréquents avec leurs managers. Bien au-delà des fameux points de passage obligés que sont les entretiens annuels figés, ils souhaitent plus d’échanges informels, de dialogue consensuel avec leur hiérarchie, de discussions, de « feedbacks » sur les avancées ou résultats d’une mission qui leur a été confiée, pour déterminer, ensemble, des pistes d’amélioration…

Le rôle des ressources humaines est également essentiel afin d’aiguiser l’envie de progresser et non pas d’effrayer en juxtaposant les formalités à accomplir pour y parvenir. Et si l’action des DRH était de militer, en outre, en faveur du sacro-saint droit à l’erreur, indispensable pour déverrouiller les peurs et innover?

En conclusion, je souhaite promouvoir une notion de « cogestion de carrière » afin que l’évolution des collaborateurs puisse être, à la fois, déterminée par l’entreprise (au travers de l’action combinée de la DRH et du management) et par le salarié lui-même (au travers de ses propres choix et de sa trajectoire de vie).

Il va sans dire que la mise en place d’une telle réciprocité éviterait à beaucoup d’être contraints de démissionner alors que de simples petits pas de « bons sens » suffisent !

A propos de Bruno Soubiès
Titulaire d’un DESS en RH et communication sociale [CELSA] et d’une certification de conseil en conduite du changement et coaching [INSEAD). Bruno Soubiès dispose de 20 années d’expérience professionnelle dans le management des ressources humaines. Depuis 2009, il développe une expertise sur l’expérience collaborateur en analysant les récits, l’expérience brute, vécue et racontée par les collaborateurs et managers. Aujourd’hui, il est motivé par l’envie et le besoin d’écrire pour partager son constat sur l’impérieuse nécessité de mettre l’entreprise au service de son personnel.

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